Jean-François Ruel, depuis son bureau de l’édifice de la MRC du Granit. (Photo Rémi Tremblay)
Si le phénomène du logement locatif de type Airbnb continue de croître en milieu urbain, allant jusqu’à perturber le marché de l’offre et de la demande auprès des chercheurs de logements avec bail à long terme, dans la région de Mégantic la situation est au beau fixe depuis 2021 et la location à court terme annoncée sur les plateformes numériques d’hébergement touristique offre plutôt «une vitrine partout sur la planète», constate Jean-François Ruel, de Tourisme Mégantic. «Airbnb a permis aux régions rurales de se faire voir et de se faire découvrir des touristes européens.»
Il est encore trop tôt avant de dévoiler le bilan de la saison estivale en terme d’achalandage de visiteurs, mais l’intérêt porté à la région sur les plateformes de voyages permet de prévoir que les résultats de la saison estivale qui vient de s’achever indiquera une hausse du tourisme en provenance de l’extérieur du Québec auprès des 227 lieux d’hébergement présents sur le territoire, hôtels, motels, gîtes, terrains de camping, chalets, etc., dont 115 affichés sur Bonjour Québec.com.
«Comparativement à 2021, on reste stable, parce qu’il y en a des logements locatifs à court terme qui ont ouvert et d’autres qui ont fermé pour différentes raisons, analyse le conseiller en développement touristique à la MRC du Granit. Entre autres, le phénomène du télétravail a fait que des gens ont procédé à des acquisitions de chalets quatre-saisons, des maisons qui étaient en location court terme et qui ont été acquis pour des nouveaux citoyens. Mais, il y en a d’autres qui se sont créés, c’est pratiquement du copié-collé.»
Comme les sites d’hébergement affichés Airbnb se retrouvent principalement autour des lacs et quelques-uns dans l’environnement du parc national du Mont-Mégantic, à Notre-Dame-des-Bois notamment, les unités offertes en location ne sont pas accessibles à tout le monde. «Ça touche moins le logement abordable», précise M. Ruel. Le plus grand nombre d’unités (entre 75 et 80) se retrouve dans le secteur Lac-Mégantic et là encore seulement dans certaines zones autorisées, tel que le spécifie un règlement municipal. Piopolis et Stratford ont également adopté un règlement municipal sur l’emplacement permis pour ce genre d’exploitants de site d’hébergement.
Avec la loi 25, adoptée en 2023, depuis le 1er septembre, il est interdit aux plateformes numériques comme Airbnb de diffuser une annonce qui ne contiendrait pas de numéro d’enregistrement. Et valide, s’il-vous-plaît! Sinon, gare aux amendes qui pourraient aller jusqu’à 100 000$ par infraction.
Sortir des sentiers battus
Depuis quelques années, avec le «travelslow», le visiteur européen sort des sentiers battus sur l’axe traditionnel Montréal-Québec, ou encore entre les chutes du Niagara et la Gaspésie, pour s’enfoncer davantage en régions, comme ici, dans celle de Mégantic. «On se fait solliciter entre autres directement par des agences promotionnelles européennes. J’avais un appel tantôt de la France, c’est là qu’on devient en vitrine partout sur la planète. Pour nous, c’est un avantage! Il y a des gens qui pourraient tomber en amour avec la place, parce qu’avec les projections démographiques qui étaient plutôt défavorables, avant, c’est maintenant plus 3% d’ici 20 ans. Ce n’est pas beaucoup, vous direz, mais au moins c’est dans le positif. Ça va rester un travail perpétuel parce que le vieillissement de la population va avoir un impact réel sur notre démographie.»
La question est posée: est-ce que le logement de type Airbnb est appelé à croître pour autant? «Je ne pense pas qu’il va y avoir explosion, parce qu’actuellement, on n’a pas une grosse offre quatre-saisons. Avant de se rendre là, oui on travaille fort pour développer la basse saison. On a étiré la moyenne saison, on voit que les gens sont encore en région après la fête du Travail, mais il reste que réussir à amener des touristes au printemps, ça va demeurer un défi!»
Fait exceptionnel, l’éclipse solaire du 8 avril 2024 cause un bogue puisque le parc national et l’Observatoire du Mont-Mégantic, qui se trouvent au beau milieu du clin d’œil lune-soleil, s’attendent à recevoir un tel nombre de visiteurs venus de partout qu’un comité travaille depuis des mois pour trouver de l’hébergement et même des places de stationnement en région. Dans l’hôtellerie sherbrookoise, les prix sont même montés en flèche pour les réservations qui entrent en grand nombre pour cette date précise du calendrier.
Et les propriétaires de logements locatifs à court terme en région vont être aux premières loges pour récolter les profits. Mais tirent-ils bien leur épingle du jeu en quatre-saisons? «En faisant du long terme en hiver (étudiants et travailleurs) et du court terme en été, c’est ainsi qu’ils optimisent leurs revenus», souligne M. Ruel.
Avec les grands chantiers annoncés pour les prochaines années, autant le troisième parc éolien, la voie de contournement ferroviaire, la Maison des aînés que la ligne d’interconnexion électrique Québec-Maine, les hébergements seront beaucoup sollicités. «Avec l’économie qui va un peu moins bien, c’est peut-être ces projets-là qui vont permettre, en tout cas on se le souhaite, de garder une activité économique dynamique et diversifiée.»
Pas de problème en vue avec la location à court terme, sauf les charges qui augmentent pour les propriétaires. La pénurie de main-d’œuvre, les frais administratifs incluant l’entretien ménager qui bondissent, tout concourt à privilégier une durée plus longue du séjour sur un minimum de deux à trois nuits. Et prolonger la durée des séjours en terre méganticoise, voilà vers quoi tous les efforts sont dirigés dans une destination qui se veut de plus en plus durable. «Les 2 800 kilomètres de territoire, ça nous sert, nous, à la MRC. Il faut donc profiter de nos caractéristiques qui sont favorables.»
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