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Un rêve réalisé à 94 ans pour Jean-Guy Grondin
Jean-Guy Grondin, coiffé du béret militaire, tenant dans sa main la fameuse photo de lui, tout jeune, prise en 1933 par la photographe Léontine Barbe. (Photo Rémi Tremblay)
Après presque deux ans de pratique au côté du pianiste Tom Quigley, Jean-Guy Grondin a enfin réalisé un rêve, en février 2024, en enregistrant un disque compact regroupant cinq chansons au studio de Vincent Beaudoin. «Je ne suis pas un chanteur professionnel», prévient-il. Mais le ténor amateur livre avec tout son cœur aussi bien l’Ave Maria de Caccini, un Ti Amo du répertoire italien, Si Dieu existe de Claude Dubois ou encore le très émouvant Ceux qui s’en vont de Ginette Reno.
Tout jeune, Jean-Guy aurait voulu être un chanteur. La réalité économique de l’époque en a voulu autrement. «Le frère Daniel (des Frères du Sacré-Cœur) était mon prof de chant. J’étais dans la chorale. En 1939, il avait dit à mon père: «Wellie, je voudrais amener Jean-Guy à Montréal, j’y ferais enregistrer un disque». Mon père lui a dit : «J’ai sept enfants, je ne dépenserai pas d’argent pour mon garçon et ne pas en donner à mes autres enfants.» Y’a dit c’est non! Le frère Daniel ça y prenait de l’argent pour aller enregistrer à Montréal avec des professionnels. Depuis cet âge-là, j’ai toujours couvé ça. C’est resté mort. Je chantais toutes les années à la salle paroissiale de la rue Papineau (aujourd’hui chez Hamster Dubé) l’Ave Maria de Gounod. Que j’ai chanté à l’ouverture du Centre Mgr-Bonin, avec la fanfare de Lac-Mégantic, accompagné du ténor Clermont Fortier et de Raymond Latulippe, basse. Depuis ce temps-là, j’ai jamais rechanté. Ma Colombe (Colombe Bellefleur, sa flamme de toute une vie décédée en 2004), on a fait notre vie de jeunesse, on s’est marié on a eu des enfants et tout ça. Depuis que je suis à l’Harmonie, ça fait 7 ans, ça me travaille … Et il y a deux ans, j’ai appelé Tom (Quigley). Je lui ai dit: j’aimerais ça chanter, avoir des pratiques avec toi. On a pratiqué pendant un an tous les mercredis après-midi à 15h. Et au mois de février dernier, on a enregistré.» L’accomplissement d’un rêve.
La voix n’est plus toute jeune, mais encore solide, rarement de fausses notes. Et beaucoup d’émotion partagée surtout dans son interprétation de «Ceux qui s’en vont», livrée «en version Guylaine Tanguay, plus country.»
L’Armistice, un rendez-vous sacré
Dans son petit appartement du Village Harmonie, Jean-Guy Grondin a soigneusement étalé sur son lit des souvenirs de sa carrière militaire, menée en parallèle à son métier de barbier, qu’il a quitté à l’âge de 80 ans, après 65 ans de pratique. Sorti de l’école à l’âge de 15 ans pour suivre les traces de son barbier de père et de deux de ses frères, Jean-Guy rêvait aussi de faire la guerre. Mais trop jeune alors pour s’enrôler. Deux ans comme cadet chez les Frères du Sacré-Cœur au début des années 1940, membre du Régiment de la Chaudière pendant 15 ans, d’abord comme simple soldat, caporal puis sergent. Par la suite, engagé comme instructeur pour le Corps de Cadets de Lac-Mégantic, puis commandant pendant trois ans. Sur son lit reposent la Médaille de long service de l’Armée canadienne et une médaille de la Légion canadienne, à l’occasion de ses 60 ans comme membre. «Je n’ai jamais manqué l’Armistice. Quand j’étais p’tit, on restait sur la rue Frontenac. Ma mère aimait ça les défilés militaires. J’ai une photo de moi qui date de 1933. Ma mère m’avait habillé militaire avec le béret, et tout! C’est Mme (Léontine) Barbe qui m’avait posé. Jean-Guy et Colombe («C’était ma Colombe, ma p’tite blonde de 13, 14 ans et c’est encore ma Colombe dans ma tête») ont vécu une histoire d’amour et adopté trois enfants, aujourd’hui dans la soixantaine.
Jean-Guy Grondin s’est fait un devoir de ne jamais manquer le défilé du Jour du Souvenir à Lac-Mégantic. Mais «l’année passée, mon linge était tout prêt, mes médailles, pis tout le reste. Le matin même, je suis rentré à l’hôpital d’urgence. J’ai été transféré à Sherbrooke.» Un malaise cardiaque.
Peut-être sera-t-il au rendez-vous le 9 novembre.
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