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La capacité d’émerveillement de l’archéologue

La capacité d’émerveillement de l’archéologue -   : Actualités

L’auteur en compagnie de Pierre Corbeil, son complice de toujours, responsable du laboratoire de l’École des fouilles. (Photo Normand Bilodeau)

(Collaboration spéciale Rémi Tremblay)- Son oeil de lynx bien aiguisé, Claude Chapdelaine le doit à son héros d’enfance, Bob Morane, dont il a parcouru plus d’une soixantaine d’aventures, selon ce que lui permettait son maigre argent de poche. L’archéologue accompli garde un précieux souvenir de ses lectures qui l’ont amené à exercer un travail d’enquêteur minutieux avec, comme trame de fond, le passé paléoindien ancien qu’il a fouillé à la truelle, en comptant sur l’aide de ses équipes de stagiaires et de bénévoles, sur le bord du lac aux Araignées, à Frontenac, pendant plus de vingt ans. Le 27 août dernier, à la Médiathèque Nelly-Arcan de Lac-Mégantic, l’esprit du légendaire aventurier flottait dans l’air pour le lancement de sa synthèse « Cliche-Rancourt-Mamsalhabika: le plus vieux site archéologique au Québec », un ouvrage de plus de 200 pages qui écrit, avec les photos de nombreuses « pièces à conviction », le récit du début de l’aventure humaine au Québec.

L’aboutissement d’un travail d’équipe, prendra-t-il bien soin de souligner dans sa présentation faite en présence d’une cinquantaine de passionnés, sans compter les spectateurs rivés devant leur écran en direct sur le site de la Corporation du patrimoine archéologique du Méganticois (CPAM). Jean Cliche et Catherine Rancourt ne pouvaient manquer l’événement, eux qui ont été plus que des compagnons d’aventure de l’archéologue, en lui ouvrant toutes grandes les portes de ce lieu unique, sur les terres ancestrales de la nation abénaquise, riche en éclats de cannelures et en pointes témoignant de la visite, à travers 12 500 ans d’histoire, d’un peuple nomade chasseur de caribous. Un lieu et un moment charnière de la préhistoire des Premières Nations, insiste l’auteur. « On était là comme des détectives à chercher des traces… »

Des dizaines de stagiaires de l’École de fouilles du département d’anthropologie de l’Université de Montréal, dont il est le professeur émérite jusqu’à aujourd’hui, ont, au fil des interventions, participé à ce que Claude Chapdelaine considère comme « la plus grande découverte archéologique au Québec pour le premier quart du XXIe siècle. » Entre 2002 et 2023, les fouilles effectuées sur un total de 284 mètres carrés, dans des couches de sol allant parfois jusqu’à 70 centimètres de profondeur, ont nourri des heures d’enquête rigoureuse à la loupe: 14 mois en laboratoire et six mois d’écriture pour ce dernier chapitre de l’aventure dans le Méganticois. « Un travail de moine », reconnaît-il.

Le principal atout de l’archéologue: la persévérance! Et il en fallait pour faire « parler » plus de 600 outils, dont des perçoirs-graveurs, et 31 000 éléments de débitage, trouvés sur place.

Claude, l’aventurier, a d’autres projets, mais, cette fois, hors du corridor trans-appalachien. « Je veux qu’il y ait un autre site (de cette importance) qui soit découvert avant que je meurs », lancera-t-il, sourire en coin, comme un défi adressé aux prochaines générations. Mais, ironiquement, le temps presse pour ces détectives du Nouveau Monde à la recherche des traces d’un lointain passé. Un combat en deux actes: contre l’étalement urbain d’abord, qui perturbe les sols prometteurs, et surtout l’ignorance. « En plein centre-ville, Gatineau par exemple, le travail de l’archéo perturbe le trafic.» Résultat: des automobilistes mécontents d’avoir à faire des détours pour contourner les sites « fermés pour enquête » et qui rêvent, sans passer aux actes heureusement, de leur lancer des pierres. Et même si tout le monde cherche à savoir, « il n’y a pas personne qui veut payer pour ce travail-là. » Pour élucider les mystères du temps présent, les enfants du XXIe siècle, qui ignorent tout de Bob Morane, n’ont qu’à adopter la position de l’archéo, se pencher sur leur téléphone logé dans le creux de leur main et se laisser guider au besoin par l’intelligence artificielle qui ne demande que ça, fouiller à leur place dans les milliards d’informations tirées d’archives et livrer la réponse en quelques minutes ou secondes. Face à une virtualité si puissante et un avenir si implacable, Claude Chapdeleine se montre tout de même optimiste: ce n’est pas demain la veille où les robots pousseront les archéologues hors de leurs trous, direction le bureau de chômage. « C’est de l’émerveillement qu’on a besoin », lancera avec justesse Diane Roy, quelque part parmi l’assistance. Et le discipliné archéologue avec son style enchanteur n’en manque pas!

Quel avenir pour les fouilles?

« Une question s’impose à propos de ce site unique. Les fouilles sont-elles terminées? En d’autres mots, peut-on y faire de nouvelles fouilles? Peu importe la formulation de la question, la réponse est oui. Doit-on y retourner le plus rapidement possible pour y organiser des fouilles? Rien ne presse étant donné l’absence de facteurs perturbateurs pouvant mettre en danger l’intégrité physique du site. À mon humble avis, il y a encore des découvertes à réaliser sur ce site archéologique. Le milieu forestier protège de petits secteurs qui pourraient livrer d’agréables surprises », affirme-t-il déjà au tout premier chapitre de l’ouvrage.

Le site n’a pas encore livré tous ses secrets, mais il laisse à d’autres le soin d’en d’enrichir les collections. « Il faut donc voir nos efforts comme une étape du savoir. (…) Avec un certain recul, mais toujours avec une grande fierté mêlée à un étonnement qui ne diminue pas, la découverte de neuf fragments de pointes à cannelure distinctes (la dernière réalisée aux derniers jours de la dernière intervention en 2023) constitue un événement marquant de l’archéologie québécoise. » Une vision au petit goût de champagne avant même de poursuivre la lecture de sa synthèse!

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