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Un nouveau départ pour l’abbé Steve Lemay
L’abbé Steve Lemay quittera ses fonctions le 1er février 2015.
L’abbé Steve Lemay a choisi de transmettre d’abord la nouvelle aux paroissiens présents aux messes du week-end dernier. «C’était capital pour moi de leur annoncer avant qu’ils ne l’apprennent autrement.» Par les médias notamment… Car l’annonce du départ du curé de l’Unité Sainte-Marie-du-Lac, le 1er février prochain, s’est répandue comme une trainée de poudre. Figure forte dans les semaines et les mois qui ont suivi la tragédie, le prêtre de 36 ans prendra un temps de repos et de ressourcement, une période de recul qu’il voit comme un privilège. Même si sur le plan émotif, c’est difficile.
«Je sais ce que je quitte, je suis conscient de la qualité de l’équipe que j’ai autour de moi, de la solidarité dont on a fait preuve dans la communauté, de la qualité du don de chacune des personnes qu’il m’a été donné de rencontrer pendant ces six années. Je sais ce que je quitte, mais je ne connais pas la suite. Ne pas connaître l’«après», c’est sûr que ça demande de l’abandon pour un gars qui aime avoir de l’emprise sur le réel. Mais c’est sain pour moi d’avoir à faire cet exercice-là.»
Non, il ne reviendra pas ici après les six mois qui le conduiront notamment à Rome. Il concevait difficilement son remplacement de manière temporaire. «Lorsqu’on occupe des fonctions comme les miennes, ce n’est pas des dossiers qu’on gère ; ce sont des relations qu’on vit. On ne peut mettre entre parenthèses la vie d’une communauté. Et apporter un regard neuf n’est pas à mon sens une mauvaise chose…» Originaire d’Asbestos, son remplaçant, l’abbé Gilles Baril, s’occupait des vocations lorsque Steve Lemay, qui vient de Danville, a débuté son cheminement vers la prêtrise. «Je le connais bien et ça m’a beaucoup pacifié dans ma décision.» Quant à l’abbé Marcel Jacques, qui occupera la fonction de vicaire, l’abbé Lemay le décrit comme «un homme d’écoute et de compassion.»
Si le départ de l’abbé Lemay sera définitif le 1er février 2015 c’est aussi parce qu’il souhaite libérer tout l’espace spirituel aux six mois qui suivront. «Si j’avais mis mes responsabilités pastorales entre parenthèses, j’aurais été préoccupé par ça durant mon ressourcement. Et le ressourcement, c’est l’abandon dans la gratuité. Ne pas prier par fonction, me laisser accueillir dans ce que je suis, faire un retour sur ce que j’ai vécu. J’ai aidé plusieurs personnes à le faire mais je n’ai pas eu beaucoup de temps pour le faire moi-même, parce qu’il fallait que je fasse ce pourquoi je suis là. Ça n’a pas été difficile sur le coup parce que j’étais supporté par le Seigneur, par la Grâce. Maintenant, je sens un besoin de faire un retour sur ce que ça m’a apporté comme homme.»
Ce ressourcement, l’archevêque de Sherbrooke, Mgr Luc Cyr, lui a proposé il y a plusieurs mois déjà. Mais pour l’abbé Lemay, c’était trop tôt. «La commémoration était en train de se préparer et j’avais personnellement besoin de vivre ce moment avec mon monde. Je voulais aussi sentir qu’il y avait des éléments qui revenaient à la normale. Notre ville a perdu ses repères à plusieurs égards; j’ai vécu ça avec les gens et j’avais besoin aussi de vivre le rétablissement avec eux. Comme être humain, il était important pour moi de voir que j’avais raison d’espérer.»
S’il affirme être en pleine possession de ses moyens, il avoue du même coup ressentir davantage ses limites. «Je suis comme tout le monde; l’adrénaline ça retombe. On ne peut pas présider le nombre de funérailles et de liturgies que j’ai présidé sans que ça nous affecte profondément. On a beau avoir la foi, l’espérance, on est humain. Le pasteur que je suis, que je veux devenir, va être influencé par ce que j’ai vécu. Ça nécessite un temps d’arrêt pour voir ce qu’on peut tirer humainement de cette expérience, quelle relecture on fait. Pour assimiler tout ça.»
Présentement, Steve Lemay avoue passer par toute la gamme d’émotions dans une seule journée. «Mes sentiments sont un peu mélangés en ce moment. J’ai de la peine. Même si je sais que les amitiés ne souffrent pas de la distance, c’est difficile. J’ai aussi la joie de voir ce qui s’offre à moi. Parce que j’ai été bien accueilli ici, je m’y suis rapidement établi; ça rend ce moment d’autant plus difficile. Mais dans l’ensemble, je le vis positivement et j’essaie de le faire vivre positivement aux gens.»
Durant ses six mois de ressourcement, il séjournera en Europe, notamment à Rome. «J’ai aussi l’intention de passer du temps avec ma famille. Avec mes neveux que je n’ai pas beaucoup vus ces derniers temps. Avec ma sœur, mes parents, mes amis.» À travers sa fatigue émotive accumulée au fil des mois, l’abbé Lemay a trouvé un soutien dans la prière et dans ses relations d’amitié. «Ce que je m’apprête à faire c’est puiser à l’un et à l’autre. Prendre le temps d’être avec ceux qui me sont chers et prier.»
Responsable de la cure des paroisses de la région de Lac-Mégantic depuis 6 ans, Steve Lemay a eu une tâche particulièrement chargée, notamment avec le regroupement des paroisses, la campagne de financement menant à d’importantes rénovations pour l’église Sainte-Agnès, le cheminement menant à la fermeture de l’église Notre-Dame-de-Fatima, en plus de jouer un rôle déterminant à la suite de la tragédie du 6 juillet 2013. Une expérience exigeante mais fort enrichissante. «Ce qui va m’imprégner ce sont tous ces gens qui ont été volontaires à plein de niveaux. Qui ont accepté de mettre à contribution leurs talents, leur force. C’est phénoménal ce qui a été accompli par la communauté.»
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