Ô vieillesse, cruelle ennemie?

Le lundi qui vient, la Maison Paternelle de Lac-Mégantic vivra un événement assez exceptionnel. Célébration le même jour de l’anniversaire de trois centenaires. Jeanne, ses 103 bien comptés, Irène, qui vient d’avoir 102 ans et Thérèse, la plus jeune des trois avec ses 100 ans à peine. Les trois dames qui ont traversé la ligne du siècle vont sans doute recevoir des fleurs, des cadeaux, des hommages et elles les méritent bien. Pas facile d’arriver à franchir cette glorieuse étape, avec tout ce que la vie nous réserve le long du parcours. En fait, celles et ceux, moins nombreux, qui atteignent cet âge vénérable devraient tous obtenir une grosse médaille d’or. Ce sont de véritables athlètes, endurcis aux épreuves, bouleversements et crises qu’ils ont traversés.

Dans une région que l’on dit parmi les plus vieillissantes, le nombre de centenaires devrait normalement suivre la même courbe et augmenter dans les années à venir.

Cette population-là n’est peut-être pas la plus active ni la plus portée sur les excès de consommation mais elle a suffisamment contribué à la société pour qu’on lui témoigne, à notre tour, tout le respect et la reconnaissance pour ces vies de sacrifices. Le gâteau, les bougies, l’attention pour nos aînés, tout leur est dû, mais plus encore. Il faudrait éviter de les laisser seuls avec leurs souvenirs tous les autres jours de l’année.

L’une de mes filles m’a rappelé que ça fera 20 ans, en 2016 que sa grand-mère Annette est morte, un lendemain de Noël. Elle garde sa photo dans son porte-monnaie. Morte des suites d’une mammectomie, à l’âge de 84 ans! Quelques semaines après l’opération, de retour chez elle, une embolie, en pleine nuit, et sa vie venait d’arriver à son terme! Exposition, funérailles avant le jour de l’An, célébrées par un curé grippé, la goutte au nez, qui, visiblement, s’empressait d’aller chercher réconfort bien au chaud dans la cuisine du presbytère, au risque de tourner les coins ronds dans le rituel de la cérémonie qu’il souhaitait abrégée. Plate à mort devant le cercueil, l’homme d’église. Douze ans plus tard, c’était le tour de mon père. L’été, cette fois. J’avais eu le privilège de me tenir à ses côtés, assis près de son lit d’hôpital, la nuit précédant son départ. Le temps qu’on ne prend pas auprès de nos parents vieillissants est perdu à tout jamais. Après, on vit avec le remords!

Je n’ai retenu de mes études classiques que cette tirade du Cid de Corneille que je m’efforce de me rappeler chaque fois que je me sens vieillir : «Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse, cruelle ennemie, n’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie? Ô cruel souvenir de ma gloire passée… » Le reste s’est effacé de mon disque dur devenu mou! Les jeunes font tout pour ne pas vieillir trop vite. Les travailleurs font tout pour bien préparer leur retraite, le jour où ils lanceront «bye bye boss !» Le mot «vieillesse» n’a pas la même connotation, selon l’âge qu’on a lorsqu’on y pense. Personne ne veut vieillir, on souhaiterait tous rester jeune jusqu’à dépasser 100 ans! Et péter le feu! La vie immortelle, quoi!

Vous voulez une idée d’entreprise de développement durable à lancer un jour, quand vous aurez le temps, quand vous prendrez votre retraite? Créez une entreprise de placement pour travailleurs du troisième âge! Avec le bagage d’expériences qu’ils ont, ces gens-là, c’est du vrai gaspillage de capital humain pour celles et ceux qui aimeraient encore se rendre utiles ne serait-ce que quelques heures par semaine et qui attendent qu’on leur fasse signe.

Au risque de paraitre téteux, mais je me plais à dire que mon boss à moi, Gaétan, à 86 ans, est encore essentiel au bureau. J’emprunte les mots de Geneviève St-Germain dans son livre Mon âge est à inventer pour souligner que mon boss est toujours un «matériau de construction du présent» et que sa présence au sein de l’équipe est rassurante.

Vous avez vu longtemps des retraités pousser des chariots à l’accueil chez Walmart. C’est pas mal le seul endroit où l’on «recyclait» les retraités encore aptes au travail. Ailleurs, on les voit plutôt se jeter à corps perdu dans les organismes de bénévolat, se sentant là plus utiles qu’à la maison. Une vie sociale active, ça n’a pas de prix!

Mais, au moment où les jeunes font tout pour s’orienter dans la vie différemment de leurs parents et de leurs grands-parents, l’heure n’est-elle pas venue de lancer nos «vieux» dans l’entrepreneuriat?
J’ai aimé lire ce constat sur la «fibre entrepreneuriale» qui m’a été adressé la semaine dernière par un jeune Méganticois, parti travailler dans la grande métropole. «Une job de fonctionnaire payante, le genre de job façonné par nos parents mais qui endort la jeunesse. L’entrepreneuriat était bien plus simple du temps de nos parents et nos grands-parents. L’argent coulait bien dans les années 70, les syndicats étaient moins puissants, les lois étaient moins contraignantes. Aujourd’hui, ça demande des efforts administratifs importants pour se partir en affaire. Et de l’argent, que la jeunesse n’a pas.»
Alors, vous savez, vous, comment on pourrait mieux recycler nos vieux?

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