Souhaitons-nous de la bienveillance!

 (En réponse à la lettre d’opinion de Yolande Boulanger, «Plus qu’une question d’entendre siffler le train!», publiée en page 4 de notre édition du 26 août 2022.)

Madame, ce n’est pas tellement le train derrière chez moi qui me dérange que le fait de savoir ce qu’il transporte, ce qui est arrivé et ce qui risque de survenir. Auparavant, les convois charriaient du blé, du bois ou des autos. La donne a changé; notre vécu aussi. Avant, le train sifflait; aujourd’hui, il hurle. Je n’y peux rien: ça me traverse, peu importe l’heure du jour. 

Que le sous-sol soit de granit ou de glaise, c’est la même nappe phréatique que la pollution agricole, industrielle ou ferroviaire peut atteindre, un jour ou l’autre. Il semble, peu importe le projet, que celui choisi soit toujours le pire. Je sais d’expérience que tout chantier réserve des surprises, que ce soit celui retenu ou celui souhaité. Qui ne l’a pas appris en rénovant sa cuisine ou sa salle de bain? Que sait-on de l’alternative, sur quelle étude s’appuie-t-on? Méfions-nous des apparences. Nous saurons, tantôt, les tenants et les aboutissants du tracé étudié. Attendons de voir. Vous avez raison de poser des questions, et elles méritent des réponses, mais vous avez tort de refuser de les attendre avant de conclure. 

Au passage, vous éclaboussez et distribuez généreusement des claques sur le nez en taxant les uns et les autres, surtout les autres, de mauvaise foi. Vous vous montrez beaucoup plus magnanime avec le CPR qui a permis à MMA, compagnie de broche à foin, de transporter un pétrole mal identifié et hautement inflammable. Aujourd’hui encore, le CPR refuse toute responsabilité; pourtant, il a bel et bien encaissé le chèque de Irving. N’avait-il pas le devoir d’assurer la sécurité du convoi qu’il confiait à la sous-traitance dont la responsabilité relève du titulaire? Bien sûr que le tracé actuel fait l’affaire du CPR: la compagnie empoche les profits au mépris du risque qu’elle fait courir à la collectivité. Le bien commun se heurte encore à l’avantage individuel.

«Le tracé actuel est plus sécuritaire que celui proposé.» Rien de moins qu’une aberration. Imaginez les 72 wagons-citernes du 6 juillet stationnés devant la gare parce que vous reprochez à la ville la desserte ferroviaire de Nantes. D’abord, ça ne rentre pas entre la rue Komery et le passage à niveau de la rue Frontenac. Il faudrait ajouter combien de tronçons? D’habitude, les voies ferrées parallèles ne sont qu’à quelques pieds les unes des autres. Voir la desserte à Nantes. On ne parle plus, ici, de pente; malgré tout, imaginez le feu dans la locomotive placée non pas devant les citernes, mais parmi elles. Plus sécuritaire? Vraiment? Imaginez maintenant un convoi de plus de deux kilomètres, une gare de triage bondée, un centre-ville encerclé, voire piégé. Ajoutez à ça, le « chientage » à répétition, le blocage constant des passages à niveau de la rue Victoria à Agnès. Un scénario que nous avons subi et vécu maintes fois. Sans compter les urgences.

À la fin de votre texte, vous accusez un ancien conseil de ville d’avoir demandé «une dérogation afin que les trains ne «dorment» plus à la gare à cause du bruit et de l’apparence.» Ce sont messieurs Raymond Dubé et Horace Boulé, las d’attendre -comme tous les Méganticois- aux passages à niveau et conscients des situations urgentes qui ont entrepris, à leurs frais, de déboiser le chemin qui prolonge aujourd’hui le boulevard des Vétérans. Ils ont aussi sollicité la population tant et si bien que le conseil n’a eu d’autre choix que de suivre. Notez que leur initiative servait aussi bien les gens de Frontenac que les Méganticois parce que l’hôpital était enfin accessible. Le CPR ne s’est jamais vraiment préoccupé de la limite de temps de blocage des voies ferrées. J’ai été témoin d’un convoi qui a obstrué le passage de la rue Victoria pendant une soirée et une nuit. Aucun ennui mécanique: les conducteurs étaient allés se coucher. À peine quelques wagons dépassaient le passage à niveau. Pendant tout ce temps, le voisinage voyait le rouge du feu clignotant perturber sa nuit et entendait le son agressant de la maudite cloche. 

À propos des passages à niveau, le Canada en compte 14 000 au niveau public et plus de 9 000 au niveau privé tandis que la France dont le réseau est bien plus complexe et la population plus dense en dénombre 4843. J’ai circulé sur les routes françaises en 2016; j’ai beau chercher, je ne me souviens toujours pas en avoir traversé un. Ils devaient être mieux conçus que les nôtres puisque je ne les ai pas sentis ni même vus. D’après le BST, le Québec a subi une hausse de 14% d’accidents à des passages à niveau en 2019. Ils sont passés de 11 en 2013 à 25 en 2019. Quant aux déraillements, ils ont légèrement augmenté, passant de 8 en 2013 à 10 en 2019. À l’échelle canadienne, ils sont en progression depuis 2016: 133, 143, 167 en 2019. Incendies et explosions: 11 en 2013, 36 en 2014, 32,35,33,34 et 100 en 2019. Et on croit encore que la technologie, les règlements et les lois assurent notre sécurité. 

Vous avez raison, Madame, «nous ne sommes plus dans les années 50.» Aujourd’hui, on remet en question l’industrialisation de l’agriculture, on comprend mieux comment les plantes interagissaient avant que l’homme n’impose sa monoculture et sa chimie. On réussit même à être rentable.

En conclusion, la voie ferrée n’est pas plus sécuritaire qu’en 2013, la justice est un mot qu’on a vidé de son sens, les coupables continuent de s’en tirer sans égratignure, les victimes méganticoises ne pèsent pas lourd dans la balance et une ville sans un véritable cœur est une ville condamnée. C’est comme si on avait abandonné le patient sur la table d’une opération à cœur ouvert. Pour la suite des choses, souhaitons-nous, de part et d’autre, de la bienveillance. 

Paul Dostie

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