Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra. (La Presse canadienne)
Pour le dialogue souhaité avec les citoyens, le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, devra repasser. Sa visite à Lac-Mégantic, le 19 janvier, pour des rencontres privées avec trois maires, Julie Morin de Lac-Mégantic, Daniel Gendron de Nantes et Gaby Gendron de Frontenac, et un tête à tête avec le député de Mégantic, François Jacques, n’auront pas suffi pour calmer les inquiétudes de nombreux citoyens au sujet des impacts du tracé de la voie de contournement ferroviaire et des compensations pour les propriétaires directement et indirectement touchés par le projet. Toujours aussi fragile, l’acceptabilité sociale qu’espère à tout le moins l’Office des Transports du Canada, avant de rendre sa décision finale. Le début des travaux est prévu pour l’automne 2023.
La rencontre avec la mairesse de Lac-Mégantic a duré 30 minutes. Julie Morin en est sortie rassurée: «Il (le ministre Alghabra) a surtout été ferme sur sa position de prendre le dossier en entier et pas juste une demi-voie. Il reste des préoccupations, mais il s’est montré ouvert à certaines idées.» Une solution pour répondre aux inquiétudes en lien avec les puits d’eau potable, la création d’un fonds de prévoyance pour les puits, qui serait géré localement par les trois municipalités et non pas par les autorités fédérales. Dans les jours précédant la rencontre avec le ministre des Transports, les trois maires en faisaient une demande commune. «Ainsi, si jamais un citoyen, malgré toutes les mesures d’atténuation mises en place, rencontre un problème, il n’aurait qu’à appeler sa municipalité», suggère la mairesse Morin.
Celle-ci prend pour exemple ce que la Ville de Lac-Mégantic a établi en 2006, lors de la mise en fonction de ses puits municipaux. «On s’est doté d’un fonds de 100 000$ sur vingt ans. Et on n’a eu que deux cas à régler». Selon la mairesse, le ministre Alghabra aurait semblé ouvert à l’idée.
Le Ministre a aussi eu l’occasion de rencontrer quelques citoyens qui ont vécu la tragédie et qui attendent la voie de contournement avec impatience. «Je trouvais important qu’il (le Ministre) se reconnecte avec le pourquoi et le pour qui on le fait.»
Julie Morin se défend d’être indifférente aux préoccupations des citoyens. «La voie de contournement va affecter cinq propriétaires à Nantes, huit à Frontenac. Actuellement, 82% de tous les bâtiments à Lac-Mégantic sont établis à moins de 500 mètres de la voie ferrée. Les gens pensent qu’on ne se parle pas, les maires de Nantes et de Frontenac et moi. On se parle», a-t-elle insisté.
À Nantes, le ministre des Transports a reçu un accueil cordial de la part de tous les membres du conseil et du maire, Daniel Gendron. «Une bonne rencontre, mais il n’a pas dit ce qu’on voulait entendre», rapporte le maire. Le soir même, en assemblée extraordinaire, le conseil municipal a résolu, à la majorité des élus, cinq conseillers contre un, de ne plus appuyer le tracé du projet de la voie de contournement dans la municipalité de Nantes. Avant le vote, le maire Daniel Gendron, en réponse à une question soulevée par un citoyen, a informé les citoyens présents que le ministre Alghabra avait expliqué que les personnes directement touchées par le projet seraient justement compensées, conformément aux attentes et aux lois. «Pour ce qui est des personnes indirectement touchées, elles ne le seront pas», est-il inscrit. Autre élément de réponse du ministre devant les demandes de la Municipalité de Nantes, «il n’existe aucun fonds discrétionnaire fédéral pour dédommager les municipalités dans le cadre du projet de la voie de contournement», mentionne la résolution. «Toutefois, il serait intéressant d’explorer les options auprès de Développement économique Canada», a souligné le maire Gendron. Quant à l’impact du projet sur la nappe phréatique, le ministre des Transports a expliqué que le gouvernement garantira l’approvisionnement de l’eau potable et qu’une forme de garantie sera bientôt mise en place.
Le maire Gendron avait déjà soumis aux autorités fédérales une «demande d’intérêt communautaire» espérant obtenir pour sa municipalité des compensations financières pour améliorer des équipements municipaux, y compris des rénovations importantes à l’hôtel de ville.
Pas de changement de cap de la part du maire de Frontenac, Gaby Gendron, après le passage du ministre. La rencontre à Frontenac a duré une heure. «Il était bien aimable et on ne s’est pas chicané. J’ai eu des réponses à certaines questions, d’autres étaient plus des réponses de politicien.» Par exemple, celle de l’acceptabilité sociale. Frontenac tient un référendum le 19 février pour trancher la question. Alors, il a tendu la perche : «Si jamais nos citoyens votent contre le projet, allez-vous la faire pareil, oui ou non?» Question qu’il a dû répéter trois fois avant de recevoir une réponse claire : «Oui, on va la faire pareil!» Sa compréhension de la réponse : «Pour lui, dans le projet, l’acceptabilité sociale n’était pas un absolu, à ce que j’ai pu comprendre.»
Par ailleurs, Québec demeure discret sur sa participation dans ce projet que le gouvernement Legault devrait être appelé à financer à hauteur de 40%. Estimée aujourd’hui à 950 millions de dollars, entièrement en fonds publics, la construction de la voie de contournement ferroviaire sera réalisée par le Canadien Pacifique et remise entre ses mains, une fois sa mise en opération.
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