Oscar Brochy

Biblio-hypothèque: intérêt politique et capital humain?

Une fois encore, voilà qu’on trimbale la bibliothèque à hue et à dia, qu’on se farcit une autre étude et charrie, sans ménagement, les bénévoles qui s’y dévouent depuis plus de vingt ans. On a déjà vu mieux en guise de respect et de transparence. N’oubliez pas que c’est à la demande de la mairesse que les membres du CA de la bibliothèque ont fait des pieds et des mains pour obtenir la Canadelle, un cadeau de 800 000$, sans compter qu’ils ont eux-mêmes rempli la paperasse pour la demande de subvention. Qui dit mieux? Avouez que c’est une maudite bonne base pour lancer un projet; c’est presque autant que la subvention du gouvernement du Québec qui, lui, a droit aux mamours et poignées de mains reconnaissantes.

La Canadelle, c’est le rêve d’une bibliothèque moderne, la possibilité d’une maison de la culture et d’un centre d’archives pour une bouchée de pain. C’est ça qu’on cherche à anéantir au nom d’une supposée revitalisation. Croire qu’une bibliothèque n’est qu’un vulgaire comptoir de livres, c’est ne pas comprendre le sens de l’expression centre de documentation et refuser de reconnaître l’impact de la modernité sur sa mission.

Revitalisation, l’argument est révélateur de l’intention: la fabrique, après avoir remis son problème entre les mains de la Ville, ne cherche pas tant une bibliothèque qu’à boucher un trou parce que jusqu’à aujourd’hui, personne ne s’est encore intéressé à sa mission et à ses services. Ça semble se résumer à une question de pieds carrés. On réclame plutôt du conseil un prix de consolation au lieu d’exiger un véritable plan de développement. Cherchez, pour Fatima, dans le dernier plan triennal déposé à la veille des fêtes, quelque chose qui en aurait l’air. Vous ne trouverez rien parce que notre développement est une affaire de circonstances, de groupes de pression bien plus que d’une planification, surtout quand nous n’avons pas d’argent. C’est l’affligeante réalité. Mais cela n’excuse pas le manque de vision à moyen et long terme, d’autant plus que cette lacune place nos élus en position de vulnérabilité face au chantage pas toujours raffiné des lobbies ou face à l’impatience d’une opinion publique «crinquée» qui veut récupérer d’une main ce qu’elle a perdu de l’autre. On peut comprendre les mouvements d’humeur, mais je ne suis pas certain que nous y gagnons collectivement parce que le danger est grand que nous nous contentions de l’os qu’on jette au chien qui aboie ou que nous résumions la politique à un choix gagnant-perdant.

Le développement résidentiel actuel, principalement concentré au nord, sert bien les intérêts de Nantes puisqu’il encourage son expansion à nos dépens. Si les champs de la côte de la croix lumineuse et ceux devant le Village Harmonie étaient privilégiés, le développement résidentiel contribuerait à rééquilibrer la ville, tout en assurant le dynamisme de son centre. Pour ça, il faut une planification municipale qui dépasse les caprices du hasard ou l’occasion fortuite. Fatima a besoin de savoir ce qu’il adviendra de Bois St-Pierre, d’IMM si une fermeture ou un incendie survenait, besoin de savoir si nous pouvons réagir rapidement au cas ou un programme gouvernemental nous tomberait dessus comme celui des infrastructures avec son calendrier débile, besoin de savoir si le viaduc qui isole Fatima du reste du monde est là pour l’éternité, s’il est possible que la voie ferrée suive, un jour, la voie de contournement, besoin de savoir aussi s’il lui sera possible d’accéder à la rivière qui ferait de Fatima un véritable quartier résidentiel. Comme on fonctionne à la pièce, ce n’est pas demain la veille…

Avec le centre sportif, le conseil a raté une belle occasion de témoigner son intérêt pour Fatima. La salle de quilles aurait pu être ailleurs. Étant donné que l’église de Fatima est bétonnée mur à mur, on aurait peut-être pu y loger la piscine ou, là aussi, au moins en étudier la possibilité. La piscine et la salle de quilles auraient été les premiers pas tangibles d’un quartier en marche. Mais la précipitation des députés-ministres qui nous achètent avec notre argent a annihilé tout véritable débat, sans compter que l’opinion de certaines personnes compte davantage que celle des citoyens impliqués, sans compter que ça fait une maudite belle photo. Acculé au mur, je me demande, aujourd’hui, quel agneau le conseil sacrifiera sur l’autel de la culpabilité? Le blanc béni-vole ou le noir bénévole? Le débat étant toujours mal venu, j’ai l’impression que notre perception de la démocratie se résume à la force du nombre bien plus qu’à la participation.

Pire, certains s’en prennent aux conseillers de Fatima et d’Agnès leur reprochant de ne rien faire pour leur quartier, sans réaliser que, ce faisant, ils autorisent les autres à croiser le fer. Ils préconisent donc une politique de l’affrontement, du plus fort la poche. Opposer les conseillers les uns aux autres, les menacer de leur retirer notre confiance, c’est ramener la démocratie au plus bas commun dénominateur, c’est choisir de voter contre au lieu de bâtir ensemble. C’est du conseil qu’il faut obtenir justice. Après avoir privilégié - avec raison- le centre-ville, il est temps de s’intéresser sérieusement à Fatima. Selon moi, la meilleure façon n’est pas de se donner un conseiller de quartier, mais de choisir chacun des membres du conseil, sept votes au lieu d’un seul. Le citoyen acquerrait ainsi le pourvoir de façonner sa ville et de choisir les meilleurs pour y arriver. Parions qu’avant les prochaines élections municipales, on n’aura pas trouvé le moyen d’en débattre collectivement.

Vous l’avez deviné, je suis en colère. Quand les bénévoles, premiers concernés, apprennent dans les journaux qu’on est en train de leur voler leur dossier, je me dis qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond au royaume du granit. Ça me dit qu’il y a deux sortes de citoyens: les groupes de pression et les autres. Je suis d’autant plus déçu que je croyais dur comme fer que Lac-Mégantic n’était pas une ville comme les autres.

J’en veux aussi au lecteur de ces lignes qui a choisi, depuis des années, le confort du siège du spectateur. Si, collectivement, nous avions cru à la nécessité de l’éducation, nous aurions envoyé un message clair et la bibliothèque aurait pignon sur rue au centre-ville depuis longtemps ou, faute de mieux, à la Canadelle. Le conseil attendait sans doute le coup de pied de la volonté populaire, celle qui vient de se réveiller et qui souhaite, tout à coup, que l’église en perdant sa sainteté, en garde au moins l’image, sinon l’esprit.

Il est vrai que les mésententes inter-municipales, héritage empoisonné de la petite politique libérale et péquiste, nous ont fait perdre de précieuses compétences qui ont choisi des cieux plus cléments et surtout hypothéquer le projet emballant d’une bibliothèque animée qu’on s’entête à ratatiner. Si les conseils municipaux qui se sont succédé avaient vraiment voulu une bibliothèque, ils auraient osé ce qu’ils ont fait avec l’OTJ et le centre sportif. Là aussi, ras le bol d’attendre des ententes qui ne viendront pas parce que le gouvernement se contrefout que nous pataugions dans la merde. Que Québec ne cherche pas à réparer, d’une manière ou d’une autre, l’erreur du passé, cela me semble assez révélateur de la partisannerie qui subsiste. Depuis le temps que ça dure. Les couleurs ont beau être agencées, l’aveuglement est volontaire.

Pas d’autre solution qu’être maîtres chez nous. Expliquez-moi pourquoi ce qui est bon pour le centre sportif ne l’est pas pour la bibliothèque? Parce que l’éducation n’est pas encore la valeur fondamentale que l’on prétend, parce que la subvention-chantage est accrochée à l’entente, parce que la lutte au décrochage scolaire n’est pas un objectif social mais bêtement pédagogique, parce que la bibliothèque est perçue comme une dépense avant d’être un investissement, parce que la priorité est ailleurs… Et l’entreprise de recyclage, spécialité méganticoise, en étudie la fin et les moyens.

Paul Dostie

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