Oscar Brochu

Déplaisirs artificiels!

Jésus est mort l’autre jour. Probablement d’une surdose. L’analyse à l’Institut médico-légal tranchera. Ses parents l’ont pleuré, ses amis, ses apôtres aussi. Mais trois jours plus tard, le gars dont je parle n’est pas ressuscité. Parce que Jésus s’appelait Steve, de son vrai nom. Parce que Jésus n’était pas non plus fils de Dieu, même si parfois, au cœur de la tourmente qui régnait à l’intérieur de lui, il devait bien lui arriver, par moments de grandes extases, de se connecter avec.

Il n’était pas un saint ni un héros, loin de là. Pas un notable non plus, dont on trace à grands traits la carrière quand on l’enterre sous une masse de gerbes de fleurs et de prières. Jésus était au mieux un artiste de la rue, au pire un errant qui n’en pouvait plus de se chercher dans des substances qui, mélangées aux médicaments, ont sans doute fini par avoir sa peau.

Ses parents ne l’avaient pas mis au monde. Mieux encore, ils l’avaient élu, dans le sens de «choisi». Et ils l’ont aimé toute sa vie, malgré ses frasques, ses écarts de conduite, ses naufrages, ses questionnements et parfois sa folie toute simple quand il a eu l’âge de quitter le nid. Pour l’avoir vu, son enfance était étalée toute grande dans un album de famille, où sa mère prenait grand soin d’y afficher les principales étapes. Il était fils unique, en qui père et mère avaient mis toutes leurs complaisances.

À notre dernière rencontre fortuite, Jésus et moi, le long de la rue Villeneuve, il devait arriver du dépanneur. Il s’était mis à me fredonner une de ses compositions. Sa poésie à Jésus était à la fois inspirée et expirée. Jésus se trouve sur you tube, s’il vous prend l’idée de voir son petit clip!

Comme il s’en trouve beaucoup sur nos trottoirs, Jésus errait souvent comme une âme en peine, à la recherche d’un public. L’automne passé, le personnel d’une caisse populaire avait appelé la police pour le déloger de l’établissement de la rue Laval. Pas vraiment la place pour des frasques ou pour pousser la chansonnette. Alors, après quelques minutes de son manège, il avait été viré manu militari! Ironiquement, le même après-midi, il avait été fauché alors qu’il traversait la rue, juste à côté de l’église. Multiples fractures. Et après des mois de réhabilitation, il avait fini par reprendre racine en ville.

La disparition de Jésus n’a pas créé de grands remous dans notre société civile. Ça me rappelle celle de cet homme âgé, à la longue barbe blanche et au dos courbé, qu’il m’arrivait de croiser dans le même secteur de la ville, il y a plusieurs années. Les jeunes l’appelaient le père Noël. Et il passait son chemin, sans relever la tête ni répondre aux quolibets. Puis, un jour, il n’a pas été revu. Ce n’est pas dans les avis de décès du journal que j’ai appris sa mort, mais dans un message d’adieu que sa fille, de mémoire, avait payé dans le journal. Ça s’intitulait Salut Pipo! Et c’était lui. Un message court mais baigné d’authenticité. Il en révélait beaucoup sur celui dont la vie s’était arrêtée. Un éloge tout simple mais qui livrait l’essentiel. Tout ce qui doit rester après qu’on eut quitté cette Terre.

Un petit Bronx
Mais le secteur où demeuraient Pipo et Jésus perd peu à peu de son lustre, en raison de la graine de violence qu’on y sème depuis plusieurs mois. Un secteur chaud, plus que Montréal-Nord en proportion de ses habitants au pied carré. Les policiers ont beau nettoyer de temps à autre, la crasse s’incruste, se crinque et s’impose. À l’ombre du clocher de l’église, on se pique et on abandonne la seringue. On sniffe et on ingurgite les pinottes à la tonne! Et on se tape sur la gueule! La réalité d’un monde dur importée dans un milieu de vie que plusieurs souhaiteraient plutôt vert et rose. La laideur de l’urbanité qui infeste et infecte la beauté de la ruralité. Comme le dit Narcotiques Anonymes, «si tu veux consommer c’est ton affaire!», mais j’ajouterais «force pas les autres à le faire!»

Ceux-là dont je parle n’ont rien à foutre de vos lois et de vos règlements. De la hauteur réglementaire du gazon ou de l’arrosage de la belle entrée asphaltée à jours fixes. Dans leur monde à eux, il n’y a pas de loi. Ils vivent derrière des portes closes et la nuit, quand ils sortent, ce n’est pas pour regarder le ciel étoilé ni humer l’odeur fraîche de la campagne! Mais vous les tolérez, faute de preuve!

Il y a d’un côté ceux qui ne dérangent pas pour ne pas être à leur tour dérangés et les autres, ceux qui veulent imposer leur loi et qui se foutent de déranger l’ordre établi de ceux qui ne dérangent pas. Vous le saviez, vous, que les gangs de rue s’amènent? Ça se parle! Pire encore, à en croire certains, ça se vivrait déjà, présentement, derrière les portes closes. Et qui dit gang de rue dit criminalité organisée. Racolage de mineures, prostitution juvénile, pédophilie, menaces de mort à la pointe du gourdin, armes à feu… Des bombes à retardement qui peuvent sauter n’importe quand. Si personne ne les désamorce, il fera chaud, cet été, dans le nouveau petit Bronx.

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