Oscar Brochu

Le visage de la peur

La défaite libérale dans Kamouraska-Témiscouata, lundi, a fait mal au premier ministre Jean Charest. La brutalité du coup qu’il venait d’encaisser se lisait moins dans le discours qu’il a livré devant les supporteurs de sa candidate France Dionne, la cousine de son épouse Michèle, que dans sa propre physionomie qui en disait long sur l’issue de cette bataille dans une circonscription reconnue comme un château fort libéral depuis déjà vingt-cinq ans! Ce soir-là, devant les caméras, le député de Sherbrooke offrait un visage blême aux traits étirés, non pas que son récent voyage en France l’a épuisé outre mesure, mais sans doute parce qu’il prenait soudain conscience de l’ampleur du mécontentement populaire à son endroit.

Derrière lui, sur la tribune, la ministre Nathalie Normandeau affichait un «poker face» impénétrable. Peut-être venait-elle de découvrir dans ses cartes à elle une belle paire d’as. Parce que, si Jean Charest s’en va, la ministre responsable du Bas-Saint-Laurent et vice-première ministre ferait une bonne candidate à sa succession. Je rêve d’une lutte à deux femmes au poste de première ministre, elle face à Pauline Marois. Une bataille historique qui changerait complètement la donne. Mais bon, ça attendra!

C’est connu, la machine libérale est mieux huilée que celle de ses adversaires politiques pour faire sortir le vote. Cette fois, celle du Parti québécois a mieux travaillé les électeurs au corps à corps. Les péquistes ont envoyé sur la patinoire leur ligne offensive alors que les libéraux ont misé sur la défensive en rappelant Claude Béchard au bon souvenir de ses électeurs du temps. Comme si le Canadien brandissait la mémoire de Maurice Richard pour espérer gagner une finale de la Coupe Stanley. Qu’on croie ou non aux phénomènes paranormaux, encore aucun fantôme n’a marqué le moindre but!

Aujourd’hui, la majorité du gouvernement libéral sur les banquettes de l’Assemblée nationale est réduite à cinq députés: 65 libéraux face à 52 péquistes, quatre adéquistes, un représentant de Québec Solidaire et trois indépendants.

L’instructeur du club libéral, Jean Charest, a déjà dit qu’il n’avait rien à cacher, qu’une commission d’enquête sur la construction et le financement des partis politiques ne donnerait pas de résultat et qu’il fallait laisser travailler l’escouade Marteau pour espérer faire sortir les pommes pourries du panier. S’il veut que l’histoire retienne de lui autre chose que les parfums de collusion et de corruption auxquels on associe injustement, dans le reste du Canada, toute la société québécoise en général, qu’il se plie à la volonté de la majorité et qu’il la déclenche la tabarouette de commission d’enquête. Il en connaît aussi bien que nous le scénario: après des mois de préparation et d’obstinations par avocats et procureurs interposés, il y aura d’un côté du tribunal populaire ceux qui jureront dur comme fer, «si je mens je vais en enfer», qu’ils n’ont pas versé d’argent dans des enveloppes brunes ou blanches et de l’autre, ceux qui jureront dur comme fer, «si je mens je vais en enfer», qu’ils n’ont pas reçu d’argent dans des enveloppes brunes ou blanches. Comme pour la Commission Gomery, on offrira en pâture quelques boucs émissaires qu’on finira par brûler sur le bûcher de l’Inquisition et les âmes des vrais pécheurs seront sauvées.

S’il compte sur la pause de Noël pour faire baisser la pression ou détourner l’attention, il risque gros. Parce que, chaque fois qu’un journaliste déterrera un os, ils seront plusieurs à se garrocher dessus et à le sucer jusqu’à la moelle, à la recherche d’une preuve de traçabilité.

Et plus le temps passera, plus le mal qui ronge le système politique se répandra à d’autres sphères de la société. L’actualité nous apprend que les enveloppes brunes sont en train de s’étendre au système de santé, avec des liasses d’argent offertes à des médecins spécialistes pour passer devant la file d’attente en vue d’une chirurgie. Personne n’est assez naïf pour penser que la corruption n’a jamais atteint les cours de justice, par exemple.

On a tous, chacun de son côté, de ces histoires scabreuses d’un gars qui a vu un gars, qui a vu un gars se sortir du pétrin en graissant un procureur pour s’entendre avec le juge sur une sentence bonbon qui n’entachera pas son dossier et ne l’empêchera pas de voyager à l’extérieur du pays. Un genre d’absolution inconditionnelle!

L’entêtement de Jean Charest va finir par nous entrainer tous dans une période de grande suspicion les uns envers les autres. Seuls les croque-morts auront les mains blanches, car en connaissez-vous des gens, même les plus riches, qui allongeraient des billets pour doubler la file vers leur dernier repos avant leur temps? C’est pourtant ce que Jean Charest est en train de faire. Une mort politique, on s’entend! Une mort dans laquelle il risque d’entraîner d’autres châteaux forts libéraux aux prochaines élections générales.

Qu’il s’offre donc un petit moment de réflexion, ces jours-ci, en allant se recueillir dans une commission parlementaire… celle qui traite de «mourir dans la dignité!»

Pour réagir, Connectez vous Pour réagir, Connectez vous

À lire aussi

  • Le Cameroun venu toucher du doigt le modèle du Granit
    Actualités

    Le Cameroun venu toucher du doigt le modèle du Granit

    Rémi Tremblay / 22 avril 2024
  • L’entente de loisirs se signera sans la première couronne
    Actualités Municipalité

    L’entente de loisirs se signera sans la première couronne

    Rémi Tremblay / 22 avril 2024
  • Un incendie dévaste une résidence de Marston
    Actualités

    Un incendie dévaste une résidence de Marston

    Rémi Tremblay / 18 avril 2024
  • Noé Lira : quand l’activisme prend de airs de fête
    Culture Musique

    Noé Lira : quand l’activisme prend de airs de fête

    Claudia Collard / 16 avril 2024
  • Happening de pure joie cosmique
    Actualités

    Happening de pure joie cosmique

    Rémi Tremblay / 16 avril 2024
Identifiez-vous pour commenter Identifiez-vous pour commenter

0 commentaire

  1. Jade Gosselin s’illustre au Défi OSEntrependre
  2. Le Comptoir Gourmand de la Fromagerie La Chaudière nommé «meilleur boss» engagé
  3. Section de rail abîmée
  4. Le Cameroun venu toucher du doigt le modèle du Granit
  5. L’entente de loisirs se signera sans la première couronne
  6. Un incendie dévaste une résidence de Marston
  7. Noé Lira : quand l’activisme prend de airs de fête
Virage numérique sans déraper
Noé Lira : quand l’activisme prend de airs de fête
Recherche d'emplois - Lac-Mégantic
  1. Attaché(e) politique - Attaché(e) de presse
    dans la MRC du Granit
  2. Couturières / Opérateurs de machine à coudre
    Courcelles
  3. Appariteur-concierge
    Lac-Mégantic
  4. Coordonnateur.trice en bâtiment écoénergétiques
    Lac-Mégantic
  5. Gardien de territoire
    Lac-Mégantic
Répertoire des entreprises