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La Maison de 2e étape: pour s'enraciner avant de prendre son envol
L’appartement de Marie est chaleureux. L’atmosphère calme et apaisante y est perceptible dès qu’on franchit la porte d’entrée. Ce logement, c’est la clé de son autonomie, qu’elle retrouve peu à peu. Marie réside dans une maison de 2e étape, un lieu de transition pour les femmes victimes de violence conjugale.
Dans la région méganticoise, sept logements sont à la disposition des femmes et leurs enfants victimes de violence conjugale, accueillis dans un premier temps à la Bouée. L’objectif, donner aux victimes l’opportunité et surtout le temps nécessaire pour «se reconstruire». La durée de séjour est variable, en fonction du cheminement de chacune.
«Quand tu as vécu des années dans un contexte pas sain, il faut du temps pour te réapproprier ton identité. On sait très bien qu’il y a une adaptation importante à faire, d’abord sur le plan de la solitude et ensuite sur la capacité d’autonomie. Il a d’ailleurs été démontré que, depuis l’apparition des maisons de 2e étape, un plus grand pourcentage de femmes ne retournent pas avec le conjoint violent», transmet la directrice de la Bouée Sylvie Morin.
L’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale regroupe 15 maisons au Québec, abritant un total de 103 logements, dont les sept desservis par la Bouée.
«Je suis bien ici, loin des cris. Parfois ma maison me manque mais je ne veux plus revivre cette situation. Pour l’instant, je m’habitue à vivre seule», transmet Marie, dont le prénom est fictif afin de préserver son anonymat. Oui dit-elle, sans cet «après Bouée», le risque de retourner dans son milieu violent aurait été plus présent. «Lorsque j’ai quitté ce milieu, je n’avais rien avec moi et pas beaucoup d’argent. Le fait que le logement est tout équipé aide énormément.» Les résidentes d’une maison de 2e étape n’ont qu’à débourser le coût du loyer et bénéficient d’un suivi de la Bouée sur une base personnalisée.
Autre point important, la sécurité des lieux. Caméras externes et rondes policières régulières dans le secteur font parties des moyens mis en place. Parce que la violence post séparation est bien réelle, transmet Mme Morin. «Les conjoints ne lâchent pas prise comme ça. Le soutien de l’environnement et de l’entourage est super important. «Je me sens en sécurité; ça m’enlève un gros poids. Et je sais que je peux toujours appeler à la Bouée en cas de besoin», renchérit Marie.
Sylvie Morin souhaite qu’on arrête de juger les femmes qui retournent auprès d’un conjoint violent après un séjour en maison d’hébergement et qu’on se penche plutôt sur les moyens de favoriser leur autonomie. «Si au bout de deux semaines, trois semaines ou un mois dans un lieu sécurisé, on lui dit «organise-toi», elle n’a pas eu le temps de se doter de bonnes balises, d’un bon encadrement.»
En plus de l’aspect monétaire, l’estime de soi des femmes victimes de violence conjugale est souvent au plus bas. «Quand t’as toujours été abaissée, tu es défaite. La blessure physique, ça fait mal sur le coup mais ce n’est pas ça qui reste. C’est la blessure psychologique qui est la pire; ça ne s’efface pas de même», partage Marie.
L’espace dans lequel vit Marie aujourd’hui ouvre cet espace à sa réappropriation. «C’est pour ça que j’ai mis mon petit loft chaleureux. Il faut aussi du monde chaleureux autour de soi; c’est ce que j’ai trouvé à La Bouée.»
La directrice de la Bouée ajoute que la venue de cette maison de 2e étape vient consolider les interventions de l’organisme, un plus tant pour les travailleuses que pour les femmes victimes de violence. «On peut maintenant travailler sur le long terme. C’était déchirant de laisser une personne partir de la maison d’hébergement pour donner la place à une autre, en sachant très bien la (mauvaise) suite des choses.»
Partir pour ne pas mourir
Pour se sortir du cycle de la violence, la toute première étape est cependant de taille: quitter le foyer conjugal. Marie invite les femmes concernées à poser cette action le plus vite possible. «Dans mon cas, si je n’étais pas partie, soit il m’aurait tuée, soit je me serais suicidée. Il ne faut pas en arriver là.»
Si les homicides liés à la violence conjugale sont médiatisés, il en est autrement des suicides en lien avec cette problématique. Pourtant, a pu constater Sylvie Morin, un problème de santé mentale cache souvent une situation de violence conjugale. «Il faut aller plus loin que la médication. Les femmes qui arrivent à la Bouée sont souvent en état d’hypervigilance, épuisées.»
À la Bouée, on aide notamment les femmes à détecter rapidement les comportements contrôlants, afin qu’elles puissent vivre une relation égalitaire si elles décident de s’engager à nouveau. «Si tu marches sur des œufs avec quelqu’un, ça va écraser c’est sûr. Mais j’ai vu des femmes rencontrer des hommes extraordinaires une fois leur processus de solidification complété. D’ici là, il faut maximiser le nombre de jours où on est bien et choisir les bonnes personnes autour de soi.»
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