La ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault est venue à la rescousse de la Santé publique en utilisant son arme de dissuasion massive la plus redoutable, le couvre-feu entré en vigueur le 31 décembre à 22h. L’état d’urgence sanitaire décrétée le 22 mars 2020 et renouvelée par période de dix jours depuis cette date autorise l’usage de cette mesure extrême, qualifiée par certains de «liberticide», comme la plus efficace pour ramener la population au confinement. Par ordre du premier ministre : «Vous êtes tous assignés à résidence entre 22h et 5h!»
Retour en arrière. Au début de 2021, le 9 janvier très exactement, la mesure qui tombait sur nos têtes pour la toute première fois de notre histoire était peut-être justifiée par le fait que la vaccination, seule contre-attaque reconnue contre le coronavirus, n’avait pas encore vraiment débuté. Je me décrivais alors comme «ni soumis, ni rebelle», juste mollement révolté.
Cette fois, un an plus tard, plus de 80% de la population québécoise est doublement vaccinée et l’administration d’une troisième dose progresse rapidement. Clairement, ce n’est plus la pandémie qui inspire le recours au couvre-feu, mais l’état fragile du système de santé. Horacio Arruda lui-même l’a reconnu en réponse à la question d’un journaliste: «Le premier assouplissement qu’on va faire quand la situation va redevenir sous contrôle dans les hôpitaux, ça va être de l’enlever, ce couvre-feu-là», a-t-il promis, sans donner de date de péremption.
François Legault a toujours refusé d’ordonner une enquête publique indépendante sur les décès en cascades dans les résidences pour personnes ainées, au printemps 2020, quand la première vague a frappé le Québec de plein fouet. N’en attendez pas non plus dans les prochains mois, puisque nous serons en campagne électorale et qu’il ne serait pas avantageux pour lui de mettre son parti sur la défensive. Espérons qu’il lèvera l’état d’urgence sanitaire et le couvre-feu d’ici l’automne!
Les autorités gouvernementales nagent dans la confusion sur les règles sanitaires à adopter. Le spectacle est pathétique par moment. Force est d’admettre que l’incertitude règne en maître dans ces temps troubles. Autant les spécialistes que les décideurs naviguent dans le brouillard encore aujourd’hui. On ne s’entend ni sur l’efficacité des mesures ni sur la dangerosité du variant Omicron qui a tassé le variant Delta des radars.
Sous la plume de Jean-Louis Bordeleau dans Le Devoir du 30 décembre dernier, l’expert en virologie et professeur au Département des sciences biologiques, Benoît Barbeau, affirme que «théoriquement, avoir une infection après deux doses (de vaccin) c’est un peu comme avoir reçu trois doses. Ça réactive le système immunitaire et vos anticorps sont dans le plafond.» Vérification faite localement, le fait d’être testé positif à la COVID après deux doses du vaccin rend la troisième dose non nécessaire pour conserver ton passeport vaccinal. Lu récemment: «La vague d’Omicron pourrait accélérer le passage à la phase endémique puisque le variant Omicron est extrêmement contagieux, ce qui veut dire que la majorité qui n’a pas eu le COVID sera infectée.» Une seule certitude que personne ne contestera, le système hospitalier flanche. Et nous sommes montrés du doigt. Pourtant, plus le variant circule, plus la positivité s’exprime, plus l’immunité collective s’installe, alors même que l’administration de la troisième dose de vaccin progresse.
Le couvre-feu imposé entre 22h et 5h est-il alors vraiment utile? Non. La menace d’une intervention policière et d’un ticket, si t’as le malheur de te retrouver dans la rue après 22h, est démesurée. Surtout qu’il fait frette en calvainse chez nous, en janvier. Avec un pic à -29° annoncé dans la nuit de lundi à mardi prochain, même Omicron n’aura pas le goût de sortir! Oui, notre système de santé se retrouve aux soins intensifs. Oui, il a besoin de reprendre des forces. Oui, ce n’est pas le temps d’être malade. Pas le temps non plus d’avoir un accident. Mais le couvre-feu vient-il faire une différence, madame Guilbault? Pouvez-vous m’expliquer? Le couvre-feu a des conséquences sur la santé de la population. Avertissement: l’angoisse de se savoir «renfermer» sous surveillance peut développer, chez les gens qui vivent seuls ou pas seuls, une forme d’angoisse, renforcée par deux ans de peur entretenue et de méfiance envers nos dirigeants qui usent et abusent des mesures exceptionnelles, alors que l’on sait que, présentement, c’est le système de santé qui est malade, parce que trop longtemps négligé.
Les paris sont ouverts: Legault va lever l’état d’urgence sanitaire deux ou trois mois avant le jour du scrutin et apparaître comme le sauveur. Noé sur le pont de son arche à la première éclaircie qui a suivi le déluge, célébré par des cris de gloire. Bon, je m’égare!
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