Oscar Brochy

Cellulaire en classe: en attente d’une directive claire

Cellulaire en classe: en attente d’une directive claire - Rémi Tremblay : Actualités Éducation

Le téléphone cellulaire est permis à des fins pédagogiques, selon la philosophie du Centre de services scolaire des Hauts-Cantons.

Le milieu de l’éducation n’est pas sans ressources en attendant la directive du ministre Bernard Drainville quant à l’interdiction du téléphone intelligent en classe. «Depuis un bon nombre d’années, on a déjà à l’agenda des élèves des consignes très claires en lien avec les appareils électroniques, téléphones intelligents, cellulaires, montres intelligentes, ordinateurs, tout ça, livre à l’Écho le directeur adjoint à Montignac, Patrick St-Jacques. Il y a un statu quo pour cette année: ils peuvent avoir leur cellulaire partout, sauf interdiction sur les étages et en salle de classe.»

Pas question pour autant de se fermer les yeux sur les problèmes que peut causer l’usage non encadré du cellulaire à l’école, considérant que même les nouveaux élèves de secondaire 1 ont pour la plupart un téléphone dans leur sac à dos. «Lors de la visite des 6e années en mai dernier, il y avait au moins 60% des élèves qui en possédaient un. Je calcule sans exagérer qu’il doit y avoir au moins 80, 90% des élèves de la polyvalente qui possèdent un téléphone intelligent», avance M. St-Jacques.

Sans directive claire à la grandeur du réseau, la situation vécue à l’intérieur des murs de la polyvalente Montignac n’est pas hors de contrôle, loin de là. «On a réussi à bien contenir le phénomène, dans le sens que si les élèves se font prendre avec leur téléphone en classe, ils peuvent avoir des sanctions à la première, à la deuxième, à la troisième infraction.» Les problèmes avec le cellulaire? «Ils sont nombreux. On ne les a pas tous vécus, mais on peut imaginer. On ne fait pas de fouille, donc il se pourrait que certains élèves aient leur téléphone sur eux. En désactivant le son, ils peuvent quand même ressentir la vibration. Alors, à tout bout de champ, ils peuvent recevoir des notifications de leurs jeux vidéos préférés, donc ça active le circuit de la récompense du jeune qui risque de ne pas être concentré sur les apprentissages.»

Patrick St-Jacques a porté de nombreux chapeaux dans sa carrière d’enseignant, dont celui du cours d’éthique et de culture religieuse. Le téléphone intelligent n’est pas un article scolaire à la mode du jour comme les autres. «C’est comme un couteau suisse; on peut tout faire avec ça, on peut enregistrer, on peut filmer, s’envoyer des textos, on peut copier, faire du plagiat. Au cégep et à l’université, ce sont les mêmes problématiques. Il y a des enseignants à l’Université de Sherbrooke qui interdisent carrément les cellulaires en classe. Ce que les profs disent, c’est qu’on ne sera jamais capable de rivaliser avec un téléphone intelligent, même un professeur qui est chevronné au niveau de sa pédagogie, de son lien avec les élèves, aussi compétent soit-il, on n’arrive pas à la cheville d’un téléphone. Et on ne parle même pas ici d’intelligence artificielle!»

Le téléphone intelligent à la portée de la main a changé la vie quotidienne à l’école. «Les élèves s’envoient des messages, se parlent de leur party du soir, c’est une problématique qui est sociale parce qu’il y a comme une dépendance. Ce qu’il faut comprendre avec le téléphone cellulaire, avec les réseaux sociaux, Facebook, TikTok, Whatsapp et compagnie, c’est que chaque fois que tu publies quelque chose, t’attends la réaction du pouce en l’air et tu vis à travers ça une double existence. La récompense ce sont les gens qui réagissent à tes publications. Ça devient très addictif, c’est le même circuit de la récompense que la drogue, que les substances psychoactives. Ça fait le même chemin dans le corps.» 

Même dépendance, même sevrage! «Quand les jeunes font un sevrage de leur cellulaire, il y en a qui éprouvent des maux de tête, des nausées, c’est préoccupant. Donc, oui il faut trouver un juste équilibre avec la technologie qu’on ne peut pas empêcher, et en même temps on a une mission de faire réfléchir ces jeunes-là dans leur apprentissage. Leur apprendre à socialiser autrement.»

Un outil puissant entre les mains des jeunes plus réservés, plus timides, mais en même temps, «ça ne peut pas remplacer le contact humain et le fait d’assumer ses choix.». Une rupture amoureuse à l’adolescence fait partie du quotidien. Qui ne l’a pas vécu sur les bancs d’école! «On ne fait pas ça par texto et après on barre le compte de l’autre; on fait l’économie de plein de choses importantes dans le développement psycho affectif et social. Prendre le temps d’aller voir la personne pour de vrai, assumer le regard, la tristesse, la colère de l’autre fait partie de la vie!»

Un défi social
La question lui est posée, est-ce que les parents sont conscients des enjeux pour le milieu scolaire? «Je ne pense pas que les parents soient de mauvaise foi, mais je ne suis pas sûr qu’ils sont si informés que ça. Les adultes eux-mêmes sont dépendants des nouvelles technologies. L’ado n’a pas le réflexe d’aller voir ses parents, ils sont occupés. Ses références vont être ses amis. Ce que les jeunes ont dans les mains, comme les adultes d’ailleurs, c’est très, très puissant. Il y a 20 ans, 25 ans, c’était pas imaginable l’évolution (de la technologie), c’est comme 50 ordinateurs d’il y a 25 ans. Les jeunes ont accès à tout.» 

Conséquence: «on ne développe pas l’autonomie. Le fait d’être sur-connecté enlève la capacité à l’être humain de trouver ses solutions de manière interne, de s’auto-réguler aussi. Maintenant, on a le début d’une émotion, on ne sait pas quoi faire avec, le téléphone est là, papa, maman, un ami pour tout de suite nous réconforter. On devient dépendant de ce cordon ombilical»… sans fil!

Le paradoxe: trouver le juste équilibre dans le consensus social quant à l’usage du téléphone à l’école, alors qu’au même moment tous les parents veillent à ce que leurs jeunes, à 11 ans, possèdent leur propre téléphone pour pouvoir les rejoindre en tout temps. Dans le monde idéal de Patrick St-Jacques, «l’ado rentre à l’école le matin, il met son téléphone dans son casier, il le reprend à 16h pour que ses parents viennent le chercher après sa pratique de volley. À l’école, on est en relation avec les autres et on parle au lieu de regarder la vie à travers un p’tit écran!» 


L’augmentation de l’anxiété chez les jeunes était présente bien avant la pandémie. Un des responsables, l’hyper connexion. «On se sent de plus en plus seuls tout en étant ensemble!»

La philosophie des Hauts-Cantons
Interrogé quelques jours avant la rentrée sur la pratique entourant l’usage du cellulaire dans les écoles du Centre de services scolaire des Hauts-Cantons, le directeur général Martial Gaudreau s’était lui aussi montré pragmatique. «Chaque école détermine son code de vie. On est un milieu d’éducation, on apprend à utiliser les outils de la vie (courante). Si (le cellulaire) existe dans la vie et si Monsieur tout le monde l’utilise, le rôle de l’école c’est de montrer comment on gère ça. Il y a des lieux pour l’utiliser, des lieux où c’est bien moins vu de l’utiliser et d’autres lieux où il devient une nuisance. Il y a des règles d’éthique, il y a de l’encadrement à donner à son usage. C’est beaucoup ça la philosophie des Hauts-Cantons.»

Dans les Hauts-Cantons l’interdiction du cellulaire en classe relève du code de vie de chaque conseil d’établissement. «On est un milieu éducatif, on devrait apprendre à composer avec ça. Ça se peut que le prof dise: le cellulaire en classe, oui, mais il reste dans le coffre à crayons. J’ai des enseignants qui disent: le cellulaire, je le veux, parce que ça va aider à la recherche. Les enseignants sont les mieux placés pour savoir que c’est un outil qui peut aider à l’apprentissage.»

Selon La Presse canadienne, la directive attendue ne s’appliquerait pas aux écoles privées. Dans le réseau public, il serait permis aux enseignants de les utiliser «de façon exceptionnelle» à des fins pédagogiques. 

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